Mais qu’arrive t-il au Grand Journal ?
Mais qu’arrive t-il au Grand Journal de Canal + ? Antoine De Caunes est débarqué au bout de deux saisons pour une fallacieuse raison d’audience, les Guignols sont envoyés dans le goulag de l’univers codé et la programmation musicale, ah cette fameuse programmation musicale, ressemble de plus en plus au rayon des soupes en sachet d’un quelconque hypermarché.
Le travail de Maïtena Biraben dans le Supplément était des plus intéressants, mais son transfert dans la nouvelle mouture du Grand Journal impose tout de même un constat : tout ça pour ça… Quelles sont les différences majeures entre la présentation d’Antoine et le style Maïtena ? A part les chroniqueurs politiques, les autres sont presque tous restés, le seul vrai transfuge est Cyril Eldin, trublion émérite du monde politique. Malheureusement, le peu de renouvellement de ses interventions commence à lasser et on pourrait presque lui reprocher d’avoir maintenant une certaine connivence avec une bonne partie de nos élus. On attendait une révolution mais la montagne accouche une nouvelle fois d’une souris.
Et les invités musique alors, principale raison de mon courroux, là on a clairement changé d’ère. Premier coup dur, Louane, nouvelle star adoubée par les médias de masse, mais au fait qu’est devenu Stéphane Saunier dans ce marasme télévisuel ? A-t-il été débarqué lui aussi ? Je ne l’imagine pas cautionner ce choix trop grand public. Bon d’accord on pardonne, on peut aussi alterner la variété populaire et des artistes plus élitistes. Mais le deuxième coup dur arrive très vite et là c’est un coup de poignard, Violetta, la star argentine des ados hystériques et boutonneux, vient déverser elle aussi ses arpèges laxatifs. Dernier exemple en date, Alessia Cara, après je l’avoue une rapide vérification sur Wikipedia, un ersatz de Lorde qui relève à peine le niveau. Bon d’accord on a aussi eu Muse, qui certes représente aussi une certaine idée de la culture de masse mais qui fait office de bouteille d'oxygène au milieu de cette fange musicale nauséabonde. La tendance affichée semble maintenant très claire, le choix de la programmation musicale sera étroitement lié aux ventes de disques de l’artiste sélectionné…
Cette version 3.0 du Grand Journal a déclenché une vraie tornade et créé un jeu de chaises musicales assez inédit dans la grille de programme de la chaine cryptée. Si Ali Badu remplace Maïtena sans dégrader mais sans améliorer non plus le niveau du Supplément, qu’en est-il du remplacement de Daphné Burki par Ophélie Meunier ? Est-ce qu’une plastique quasi parfaite peut remplacer avantageusement une championne de l’humour, de la répartie et du dynamisme ? Non bien sûr, on ne passe pas du poste de chroniqueur, si talentueux soit-il, à celui d’animateur à part entière d’une émission d’un simple claquement de doigts. La première du Tube nouvelle formule a été un naufrage dont il sera difficile de se relever.
Faut-il alors se rabattre sur l’autre émission phare du groupe Canal, Touche pas à mon poste ? Fer de lance de D8 depuis maintenant deux saisons, il semble que les gags et les effets comiques à répétition commencent aussi à s’éroder. Cyril Hanouna essaie bien de renouveler son cheptel de chroniqueurs mais les « historiques » sont encore omniprésents (la soupe doit être plutôt bonne) et ils n’ont de cesse de ressasser à l’infini leur semblant d’humour et leurs petites spécificités éculées. Cyril lui-même n’est-il d’ailleurs pas beaucoup plus concerné par ses jeux débilitants que par l’analyse fine du monde de la télé ? L’audience étant au beau fixe, le groupe Canal laisse encore les mains libres au joyeux luron du PAF, mais pour combien de temps ?
Evidemment derrière tous ces changements se cache l’austérité nouvelle de la direction du groupe Canal. Une austérité finalement proche du monde de l’entreprise qui recherche prioritairement la rentabilité avant d’entrer dans des considérations de bon gout et d’éthique. Avec le recul, on se rend compte maintenant qu’avoir eu à la tête de la chaine Pierre Lescure et Alain de Greef était une bouffée d’air frais et une chance incroyable dans ce monde opaque des médias audiovisuels. Après le décès récent d’Alain de Greef et comme un malheur n’arrive jamais seul, l’esprit Canal, si tant est qu’il ait existé un jour, a lui aussi définitivement rendu l’âme en ce début de saison 2015/2016.